Source : lalibre.be
La mort de Georges Floyd en mai dernier aux États-Unis a suscité une
vive émotion, partagée dans la majeure partie du globe. L’homme a été
asphyxié par un agent de police lors d’une intervention. Georges Floyd
est alors devenu le symbole de l’antiracisme contemporain. Depuis, de nombreuses manifestations sont organisées pour lutter contre le racisme. Toutefois, de grandes tensions se sont faites ressentir lors de ces rassemblements.
Contexte
En novembre 2017 à Ouagadougou, le président Emmanuel Macron avait promis au continent africain le retour des œuvres d’art issues de pillages de l’époque coloniale. Le président français exprimait dans un long discours son souhait; « que d'ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » La question était alors de déterminer quelles étaient les œuvres pillées, parmi celles qui avaient été acquises légalement. Ce discours a engendré un vif débat dans la sphère politique, culturelle et civile. Ainsi, un an plus tard, le rapport des universitaires Felwine Sarr et Bénédicte Savoy sur la restitution des œuvres ouvrait la voie. Depuis, certains pays, à l’exposition d’un passé colonial, poursuivent l’idéal de se racheter une conscience et ainsi de répondre aux plaintes des leurs contemporains. A cet égard, la France, la Belgique ou encore les Pays-Bas se disent prêts à restituer les œuvres d'art africain détenues dans leurs musées.
Par ailleurs, le 16 juin 2020, un poteau funéraire Bari a été arraché de son socle au musée du quai-Branly Jacques Chirac. « Dénoncer la dépossession de l’Afrique et de ses richesses »; voilà la justification des cinq hommes à l’origine du vol. Emmanuel Kasarhérou, récemment nommé président du musée, souhaite poursuivre le travail sur la provenance des œuvres, et ainsi éviter d’autres troubles similaires.
Une question politique
Depuis la mort de George Floyd, le débat est plus virulent encore; de nombreuses manifestations sont organisées partout dans le monde, les statues des colonisateurs sont vandalisées par les civils ou déboulonnées par les autorités elles-mêmes. Il semblerait que le temps soit venu des règlements de compte.
Pourtant, face aux insurrections des civiles en France, Emmanuel Macron, impassible, a déclaré; « La République n’effacera aucun nom ou aucune trace de son histoire ».
En outre, Younous Omarjee, député de la France Insoumise, réclame que le Parlement européen reconnaisse l’esclavage et la traite d’êtres humains comme crime contre l’humanité. Cette demande s’inscrit inéluctablement dans la veine des revendications contre un pêché originel, propre à la couleur de peau; celui de la colonisation et des violences qu’elle a engendré.
Source : la1er.francetvinfo.fr
Une question historique
Que ce soit Léopold II en Belgique, Churchill au Royaume-Unis ou Colbert en France, les statues à leurs effigies sont prises d’assaut, vandalisées et déboulonnées. Ces actes ont contraint les autorités à les déplacer ou du moins les protéger contre une quelconque dégradation, estimant que ces statues appartiennent au patrimoine artistique des villes. Toutefois, ces personnages historiques, érigés comme des héros, sont, pour la communauté noire, le symbole d’ignominies perpétrées contre leurs ancêtres. Ainsi, il convient de s’interroger; quel choix opérer ? Une démocratie se lève-t-elle contre ce qui offense une minorité ou s’attache-t-elle à la majorité ?
Néanmoins, le déboulonnage et le vandalisme ne sont pas des pratiques nouvelles. Loris Chavanette, historien, évoque la Révolution française en parallèle aux évènements
d’aujourd’hui. A cet égard, il rappelle la destruction de la commune de Paris ou de la colonne Vendôme, la profanation des tombes de la nécropole royale de la basilique Saint-Denis ou encore le saccage de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Voltaire et l’abbé Grégoire se révoltaient déjà contre le vandalisme et le comparaient à un crime politique. Les monuments historiques appartenant à la communauté nationale, des sanctions peuvent être prises contre les vandales.
Source : la1er.francetvinfo.fr
Une question philosophique
En outre, Isabelle Barbéris estime que le déboulonnage des statues témoigne d’un « nouvel âge identitaire », propre aux guerres ou aux changements de régimes. Elle propose ainsi de voir au-delà du statuaire; quel sens politique donner à ces monuments ? Au-delà du vandalisme et de l’insurrection, il serait question de changer de regard, d’éduquer sur le passé, de prendre part des deux côtés du débat. Ces actes s’inscrivent dans la volonté de lutter contre le racisme; et c’est légitime. Toutefois, ces culpabilisations n’agrandiraient-elles pas le fossé entre les communautés ? Quelle est la responsabilité de nos contemporains dans les crimes perpétrés par leurs ancêtres ? Sont-ils liés par leur couleur de peau ? Il est effectivement temps de pencher son regard vers le passé. Néanmoins, Isabelle Barbéris met en garde; il peut être dangereux de « juger l’histoire à l’aune de notre pensée contemporaine ». De surcroît, certains estiment que ces actes aggravent les crises actuelles. C’est évidemment difficile à entendre pour la communauté noire, pour qui la crise est permanente; qui subit toujours le racisme ambiant, portant atteinte à leur intégrité morale et physique. Par ailleurs, soulignons l’aubaine que ces revendications présentent pour les extrêmes. Ainsi, ils trouvent un parfait prétexte pour accuser l’opprimé et creuser le fossé entre les communautés.
Source : wort.lu
Qu'en est-il sur le continent africain ?
Il est évidemment aisé pour une communauté, n’ayant pas le poids d’un tel passé, de crier au vandalisme et à l’assaille de notre chère démocratie. La situation actuelle parait tellement chaotique en Occident qu’il est difficile de se faire un avis. Dans le sud, en République Démocratique du Congo, la question est plutôt portée vers le but de ces vols et de ces actes de vandalisme. En effet, de nombreux congolais s’interrogent; pourquoi ne pas plutôt s’indigner des morts d’aujourd’hui ? Pourquoi s’intéresser aux ancêtres quand des milliers de congolais et d’africains en général meurent de faim, de maladies, de guerres ou d’actes terroristes ? Pourquoi les médias ne couvrent-ils pas ces évènement-là ? Pourquoi se tourner continuellement vers le passé sans s’occuper du présent ?
En République Démocratique du Congo, la plupart des statues de Léopold II ont été déboulonnées lors de l’indépendance. Toutefois, il y en a toujours une dans le parc du musée National du Congo, qui siège aux côtés de deux autres; celles du roi Albert et de la reine Astrid. Ces monuments ne semblent pour l'instant pas menacés.
Sources : rfi.fr, lefigaro.fr