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Focus sur une œuvre : l’Ibeji

Les statues Ibedji, objets de culte et d'héritage parmi les peuples Yoruba du Nigéria, incarnent des éléments essentiels de la spiritualité et de la culture Yoruba. Connues sous le nom d’Ibeji (pluriel : Ibedji), ces petites statues en bois représentent des jumeaux décédés et sont considérées comme des réceptacles spirituels pour l'âme. Dans cet article, nous allons explorer l'importance des Ibedji dans la culture Yoruba, leur symbolique, leur fabrication ainsi que le rôle qu'elles jouent dans les rituels de commémoration.

Figure 1 - Statuette Ibeji Yoruba

Collection : inconnue

Matériaux : Bois

Dimensions : 28,5 cm

Numéro d'inventaire Artkhade : CBR-187456


Le contexte culturel et spirituel des Ibedji chez les Yoruba

Les Yoruba, un des plus grands groupes ethniques du Nigéria, considèrent les jumeaux d’une grande importance. Le taux de natalité gémellaire étant élevé parmi les Yoruba, cela a mené au développement de croyances particulières concernant les jumeaux. Selon la culture Yoruba, les jumeaux possèdent une puissance spirituelle particulière ; ils sont perçus comme des messagers des dieux, pouvant apporter à la fois bénédictions et malédictions à leurs familles et communautés (Thompson, 1973).

Le décès prématuré d'un jumeau est vu comme une perturbation de l'équilibre spirituel. Pour rétablir cet équilibre, une statue Ibeji est sculptée pour servir de substitut spirituel à l'enfant perdu. Ainsi, le jumeau survivant et les parents continuent de prendre soin de la statue, comme s'il s'agissait de l'enfant décédé, dans le but de maintenir une connexion et d’éviter d'attiser la colère de l'esprit.

Figure 2 - Paire de figures Ibedji Yoruba

Collection : Manfred Schäfer, Ulm

Matériaux : Bois

Dimensions : 26,5 cm

Numéro d'inventaire Artkhade : SUX-186762


Symbolique des statues Ibedji

Les statues Ibedji sont considérées comme le foyer de l'âme du jumeau décédé. Les familles Yoruba croient que l'âme de l'enfant vit dans la statue, nécessitant des soins et une vénération régulière. Les parents lavent, nourrissent et habillent ces statues pour honorer l'esprit de l'enfant et préserver l'harmonie au sein de la famille et de la communauté.

Les Ibedji incarnent ainsi le concept de dualité et de continuité dans la philosophie Yoruba. Bien que la mort physique soit survenue, le lien spirituel entre les jumeaux et leur famille persiste. Dans le cadre de ces croyances, les Ibedji sont également des symboles de prospérité et de protection : bien entretenues, elles favorisent la fécondité ainsi que diverses bénédictions pour la famille (Lawal, 1985).

Figure 3 - Statuette Ere Ibeji Yoruba

Collection : Amadeo Plaza Garcés, Paris

Matériaux : Bois, cauris, textile, perles de verre

Dimensions : 26 cm

Numéro d'inventaire Essentiel Galerie : 28075


La fabrication et l’esthétique des statues Ibedji

Les Ibedji sont sculptées par des artisans Yoruba, qui comprennent les codes esthétiques et spirituels requis pour ces représentations. Les sculptures, faites de bois dur comme l'iroko, présentent souvent des caractéristiques typiques : des visages ovales, de grands yeux en amande, des coiffures complexes et des corps relativement petits mais bien proportionnés. Ces éléments sont stylisés selon les standards esthétiques Yoruba, visant à capturer à la fois la beauté et la puissance spirituelle de l'enfant (Drewal & Pemberton, 1989).

Les détails ajoutés aux statues sont également significatifs : les vêtements, bijoux et ornements symbolisent la richesse, la beauté et le statut social que l’on souhaite pour l’esprit de l'enfant. Chaque Ibeji est unique et le travail de sculpture reflète les caractéristiques personnelles de l’enfant, telles que perçues par la famille. Certains Ibedji peuvent être peints avec des pigments rouges (tirés de l'osun, une substance sacrée) ou ornés de perles, ajoutant ainsi des éléments distinctifs de protection spirituelle et d’esthétique symbolique.

Figure 4 - Paire de figures Ibeji Yoruba

Collection : Gert et Mareidi Stoll, Galerie Schwarz-Weiss, Munich / Berchtesgaden

Matériaux : Bois

Dimensions : 30 cm

Numéro d'inventaire Artkhade : DGC-186648


Les rituels et cultes associés aux statues Ibedji

Les rites associés aux statues Ibedji sont empreints de piété et de respect. Une fois la statue créée, les parents ou le jumeau survivant doivent nourrir et veiller sur elle comme ils l’auraient fait pour l’enfant vivant. Les Ibedji sont régulièrement lavées, habillées et présentées lors des cérémonies familiales. Des offrandes de nourriture, d'eau, de miel et d'huile de palme sont fréquemment faites pour apaiser l'esprit de l'enfant et pour assurer son bien-être spirituel.

Certains praticiens vont jusqu'à consulter la statue Ibeji pour des conseils ou des bénédictions, soulignant la croyance que l'esprit de l’enfant est capable d’influencer positivement la vie de la famille. Cette pratique, loin d'être figée, évolue et peut être adaptée selon les croyances modernes ou les interprétations personnelles des familles, montrant ainsi la souplesse et la durabilité de la culture Yoruba (Babatunde, 1992).

Figure 5 - Statue Ibeji Yoruba

Collection : Crait + Müller, France

Matériaux : Bois

Dimensions : 28 cm

Numéro d'inventaire Artkhade : GTQ-185733


L'Ibeji dans un contexte moderne et international

Avec la mondialisation, l’intérêt pour l’art et la spiritualité Yoruba s’est étendu bien au-delà des frontières du Nigéria. Les statues Ibedji sont aujourd’hui présentes dans de nombreuses collections d'art à travers le monde.

Certaines familles Yoruba résidant en diaspora maintiennent encore ces traditions, bien que parfois adaptées à des réalités modernes et occidentales, contribuant ainsi à la préservation et à l’évolution des traditions Ibedji.

Figure 6 - Statuette ere Ibeji Yoruba

Collection : collection française

Matériaux : Bois, perles de verre

Dimensions : 27 cm

Numéro d'inventaire Essentiel Galerie : 24906


Conclusion

Les statues Ibedji illustrent parfaitement la richesse et la complexité de la culture Yoruba. Elles symbolisent le lien entre les jumeaux, vivants ou décédés, mais également le respect profond pour les esprits des défunts. En incarnant la dualité et la continuité de la vie au-delà de la mort, les Ibedji renforcent la philosophie Yoruba selon laquelle la mort n’est qu’une étape et non une fin.



Bibliographie

  • Thompson, R. F. (1973). African Art in Motion: Icon and Act in the Collection of Katherine Coryton White. University of California Press.
  • Lawal, B. (1985). Yoruba: Art and Aesthetics. Museum of Cultural History, University of California, Los Angeles.
  • Drewal, H. J., & Pemberton, J. (1989). Yoruba: Nine Centuries of African Art and Thought. Center for African Art, New York.
  • Babatunde, E. D. (1992). Culture, Religion, and the Reintegration of Cultural Values in the Age of Globalization. University Press of America.

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